Les droits d'auteurs de ce site sont enregistrés devant notaire
Tout copillage sera systématiquement poursuivi devant les tribunaux
Vous ne devez pas diffuser ou modifier ce texte par quelque moyen que ce soit, sans la permission écrite
de son auteur ainsi que du responsable du site internet : Ressources-Psy.com.
Vous devez respecter les droits d'auteur (par exemple en cas
d'utilisation dans un travail universitaire ou autre, vous devez
donner les références de vos citations et bien signifier qu'il s'agit
de citations (généralement en utilisant des guillemets)).
Toute copie partielle ou intégrale non autorisée de document constitue une violation des droits d'auteurs
laquelle est sévèrement punie par la Loi.
Vous n'aimeriez pas que l'on pille votre travail, ne le faites pas non plus...

00036462



Effets de l’implication sur les représentations sociales du risque sismique


Andreea Gruev-Vintila, Université Paris 5

Laboratoire de Psychologie Environnementale CNRS UMR 8069


Mots-clés : représentation sociale, implication, risque sismique, SCB.


Quelques éléments sur l’exposition des populations étudiées au risque sismique. La sismicité en France est réduite. Par comparaison, la Roumanie est l’un des pays européens les plus actifs du point de vue sismique. Des séismes s’y produisent tous les ans et les grands séismes, c’est à dire les séismes qui font s’écrouler des bâtiments et produisent de centaines, voire des milliers de victimes, se succèdent tous les 30 à 50 ans environ. Le dernier grand séisme, survenu en 1977 avec une magnitude 7,4 sur l’échelle de Richter, a détruit de nombreux bâtiments dans le centre ville de Bucarest et il y a fait 1500 victimes. Il a marqué la mémoire collective des différentes générations de roumains qui l’ont vécu et celle de leurs descendants.

Nous verrons dans cette étude comment la distance à l’égard du risque (France vs. Roumanie) influence-t-elle les représentations de ce dernier, puis comment l’implication des individus, en tant que variable psychosociale, joue-t-elle sur ces mêmes représentations.

Nous commencerons par poser le cadre théorique de cette étude et ses hypothèses, puis présenterons les variables indépendantes et commenterons les résultats.


2

Cadre théorique. Nous abordons la pensée sociale à l’œuvre dans la perception du risque sismique à travers sociale le paradigme des représentations sociales. Dans cette étude, c’est donc le risque sismique qui constitue l’objet des représentations sociales. Nous entendons les représentations sociales en tant que « corpus organisé de connaissances et […] activités psychiques qui permet […] aux individus de faire intelligible la réalité physique et sociale », selon la formulation de Moscovici (1961).

L’approche structurale définit une représentation sociale en tant que « ensemble organisé de cognitions partagées par les membres d’une population homogène » (Flament, 1994). Selon cette perspective structurale, une représentation sociale est constituée d’éléments et de relations entre ceux-ci. Opérationnellement, chaque élément d’une représentation peut être indexé par des mots ou des syntagmes produits par les individus.

Le modèle des Schèmes Cognitifs de Base (« SCB », Guimelli et Rouquette, 1992 ; Rouquette, 1990, 1994b) analyse les relations entre les éléments de la représentation et postule un nombre fini de relations entre ceux-ci. Par exemple, deux éléments d’une représentation peuvent être liés par des relations d’équivalence, ou d’opposition, ou encore d’attribution normative, etc. Ce modèle regroupe ces relations entre les éléments en schèmes cognitifs de base et permet donc d’analyser la structure d’une représentation. Par conséquent il facilite la comparaison entre différentes représentations.

L’approche structurale suppose qu’une représentation sociale est organisée par un noyau central. C’est ce noyau central qui détermine la signification de la représentation et par conséquent l’interprétation de la réalité sociale. Selon la nature de l’objet de représentation et de la situation, le noyau central peut avoir deux dimensions. L’une normative, où l’on rencontre des éléments utiles au jugement et à l’évaluation, c’est à dire des éléments requis et mobilisés par les situations de type socio-affectif, social ou idéologique. Et une dimension fonctionnelle, sur laquelle l’on rencontre des éléments particulièrement utiles pour l’action, c’est à dire des éléments requis et mobilisés par les situations à finalité opératoire.

Le modèle des schèmes cognitifs de base (« SCB ») que nous avons décrit plus tôt permet d’aborder les dimensions normative et fonctionnelle d’une représentation à l’aide des deux schèmes cognitifs de base suivants :

- le schème attribution, qui regroupe les relations entre l’objet d’une représentation et ses attributs évaluatifs et judicatifs et traduit la dimension normative de la représentation,

- le schème praxie, qui traduit la description de l’action et correspond à la dimension fonctionnelle de la représentation.

Opérationnellement, le questionnaire issu du modèle des SCB mesure l’activation d’une représentation sociale par l’indice de valence des schèmes (Guimelli, 1993), lequel varie de 0 à 1.

Selon Rouquette (1997, Flament et Rouquette, 2003), l’élaboration des représentations sociales est médiatisée par une variable psychosociale appelée implication. Selon Rouquette (1997), l’implication est la résultante de trois composantes :

- la valorisation de l’objet (VO), qui est une estimation de l’enjeu attaché à l’objet de représentation et qui est liée au contexte social global d’un groupe social : « c’est une question de vie ou de mort (VO +) » vs. « c’est une question sans importance (VO -) ».

- l’identification personnelle (IP), qui est une proximité estimée relativement à l’objet de représentation : « cela me concerne spécifiquement et personnellement (IP +) » vs.  « cela concerne tout le monde, mais moi pas plus que les autres (IP -) ».

- la capacité perçue d’action (CPA), qui est une gradation allant du sentiment d’impuissance jusqu’au sentiment de contrôler totalement : « je n’y peux rien (CPA-) » vs. « il ne tient qu’à moi (CPA+) ».

Nous exposerons les effets de la valorisation de l’objet sur la représentation sociale du risque sismique.


Variables. Notre expérience teste l’effet de la distance au risque et de l’implication sur les représentations sociales du risque sismique des jeunes français (N=114) et roumains (N=210) n’ayant pas une expérience directe (vécue) du séisme (âge moyen = 21 ans dans les deux cas).

Les variables indépendantes sont :

  1. La distance à l’égard du risque sismique : risque éloigné (pour les participants français) vs. risque proximal (pour les participants roumains).

  2. Une composantes de l’implication :

    • la valorisation de l’objet, soit l’enjeu attaché au risque sismique : important vs. réduit.

La variable dépendante est la représentation sociale du risque sismique. Les VD opérationnelles sont les dimensions normative et fonctionnelle de la représentation sociale. Nous avons mesuré ces deux dimensions à l’aide des indices de valence recueillis à travers le questionnaire issu du modèle SCB, limité aux SCB Attribution et Praxie (modèle SCB 19/2). Concrètement, nous avons mesuré la valence attributive (Va), la valence praxie (Vp), et la valence totale (Vt, un indice composé des deux précédents).


Hypothèses. Cette étude s’intéresse aux effets de la distance à l’égard du risque et de l’implication sur les représentations sociales du risque sismique.

  1. Nous supposons que la proximité au risque entraîne une structuration plus élevée de la représentation.

En vertu de cette hypothèse, nous attendons des valeurs de l’indice de valence totale de la représentation plus élevées chez les participants roumains que chez les participants français. Nous attendons également des valeurs de l’indice de valence attributive et praxie respectivement plus élevées chez les participants roumains que chez les participants français.

  1. Nous supposons qu’une valorisation de l’objet haute (c’est à dire un enjeu fort attaché au risque sismique) entraîne une structuration plus élevée de la représentation.

En vertu de cette seconde hypothèse, nous attendons des valeurs de l’indice de Vt de la représentation plus élevées chez les participants qui se trouvent dans la condition VO haute que chez les participants de la condition VO basse . Nous attendons des valeurs de l’indice de Va plus élevées chez les participants « VO haute » (enjeu important associé au risque sismique) que chez les participants « VO basse » (enjeu faible). En revanche, nous n’attendons pas d’effet de la VO sur les Vp, car la VO est liée à la dimension normative de la représentation et non, a priori, à sa dimension fonctionnelle.

Résultats. Les représentations sociales du risque sismique élaborées par les deux populations diffèrent autant au niveau du contenu qu’au niveau de la structure.

1. Pour ce qui est du contenu des deux représentations du risque sismique, nous nous limitons ici à signaler le contraste entre la représentation des français, composée notamment d’éléments descriptifs d’extraction scientifique (plaques, tectonique, ondes sismiques, etc.) et celle des roumains, composée d’éléments explicatifs et factuels liés principalement aux effets du risque sismique (famille, panique, maison, débris, écroulements). Des éléments comme « victimes » et « dégâts matériels » sont communs aux représentations sociales des deux populations.

Ces résultats convergent avec ceux publiés récemment par Moliner et Gutermann (2004), laquelle suggère que pour les sujets qui ont un contact réduit avec un objet, la représentation sociale de ce dernier remplit plutôt un rôle descriptif. Par contraste, pour les sujets qui ont un contact plus significatif avec un objet, la représentation sociale de ce dernier remplit plutôt un rôle explicatif. Leurs résultats suggèrent une possible relation entre l’orientation descriptive / explicative d’une représentation sociale et la distance / la proximité entre les individus et l’objet de cette représentation.

Selon Moliner et Gutermann (2004), « l’augmentation des contacts avec l’objet de représentation sociale amène les sujets à réorganiser leur représentation sociale en introduisant dans le noyau central des cognitions à visée explicative ». […] En d’autres termes, ces auteurs suggèrent que c’est l’implication des individus dans les pratiques liées à l’objet de représentation qui les amène à moins utiliser les cognitions à visée descriptive.

« L’orientation descriptive de la représentation sociale est d’autant plus marquée que les sujets sont éloignés de l’objet, tandis que son orientation explicative s’affirme au fur et à mesure que la distance à l’objet s’amenuise. Mais au fond », précisent Moliner et Gutermann, « ce que nous appelons ici distance à l’objet peut aussi se comprendre comme l’implication des sujets » à l’égard de l’objet de représentation.

Nous verrons maintenant quels sont les effets de la distance à l’objet et ceux de l’implication (la valorisation de l’objet) sur la structure de la représentation.

2. La structure des représentations du risque sismique chez les jeunes français et roumains.

2.1. Effets de la distance à l’égard du risque sur la représentation (« effet de site »)

Table 1. Les valences totales de l’item inducteur « tremblement de terre » selon la distance à l’égard du risque

Structuration de la representation

Risque éloigné

(France)

Risque proximal

(Roumanie)

Indice de la valence totale

Vt = 0,29

Vt = 0,36

Les résultats indiquent des différences significatives entre les participants français et roumains sur la valence totale (F=11,74 à p=.0006). Ainsi, la structuration de la représentation sociale du risque sismique chez les participants roumains est significativement supérieure à celle des participants français. Nous pouvons conclure à l’existence d’un effet de site : la proximité à l’égard du risque sismique, c’est à dire le contact augmenté avec ce risque, amène les participants à structurer leur représentation de ce dernier.

Nous allons maintenant détailler cet effet de site selon les composantes normative et fonctionnelle de la représentation :

Table 2. Les valences attributives de l’item inducteur « tremblement de terre » selon la distance à l’égard du risque

Structuration de la représentation

Risque éloigné

(France)

Risque proximal

(Roumanie)

Composante normative

(valence attributive)

Va = 0,46

Va = 0,54


Table 3. Les valences praxie de l’item inducteur « tremblement de terre » selon la distance à l’égard du risque

Pour avoir accès à l'intégralité de ce document, cliquez ici


Accès à d'autres documents en psychologie

Accès au site Psychologue.fr




Hébergement : Mon-Site-ici.com
Référencement : Mon-Site-ici.fr
Espace SSL sécurisé : Transaction-Securisee.fr