La psychothérapie
institutionnelle en crise ou « l’utopie soignante »
Université Paris X Nanterre
Année 2001-2002Sommaire
1.
Le cadre institutionnel – un paradoxe apparent
2. Fonction contenante du cadre
3. Les wagons – un espace interstitiel
2.
L’équipe soignante – rôles et résistances
2. La résistance au changement
4. Discordances institutionnelles
6. Moniteur à la Chesnaie un rôle de psychologue institutionnel ?
3.
Réflexions – institution malade..
Présentation de l’institution – éléments du cadre institutionnel
L’organisation
de la vie institutionnelle
« A ce moment-là, on édifiera des établissements, des cliniques ayant à leur tête des médecins psychanalystes qualifiés où l’on s’efforcera, à l’aide de l’analyse, de conserver leur résistance et leur activité à des hommes qui sans cela s’adonneraient à la boisson, à des femmes qui succomberaient sous le poids de frustration, à des enfants, qui n’ont le choix qu’entre la dépravation et la névrose. Les traitements seront gratuits. Peut-être faudra-t-il longtemps avant que l’Etat reconnaisse l’urgence de ces obligations. Les conditions actuelles peuvent aussi retarder probablement ces innovations et il est probable que les premiers instituts de ce genre seront dus à l’initiative privée, mais il faudra qu’un jour ou l’autre, la nécessité en soit reconnue. Nous nous verrons obligés d’adapter notre technique à ces conditions nouvelles. »
Freud S., De la technique psychanalytique. Paris : P.U.F ; 1953 : pp. 140-141 (souligné par nos soins) cité par Baranes J-J., L’institution thérapeutique comme cadre. Expérience psychotiques. In : Adolescence. Paris ; 1983 : (2) : 1 printemps 1984 : pp. 123-141
« Il suffit de supprimer les
psychiatres pour qu’il n’y ait plus de fous »
Sorbonne – Mai 1968
« Que les organismes de soins soignent effectivement, ne va nullement de soi. »[1] Ainsi, il ne suffit pas de rassembler en un lieu malades mentaux, psychiatres, psychologues, infirmiers et autres soignants en décrétant soigner les premiers pour obtenir une organisation réellement thérapeutique.
Alors que la psychanalyse a établi un cadre rigoureux et efficient pour la cure des névrosés, certains psychiatres et psychanalystes, ont tenté de refonder le soin institutionnel à l’aide de l’appareil conceptuel psychanalytique. Cette transformation de l’hôpital psychiatrique s’est effectuée après la seconde guerre mondiale à travers un mouvement d’ouverture des établissements psychiatriques en rupture avec les conditions de vie concentrationnaires des asiles d’aliénés, par la pénétration de la psychiatrie par la psychanalyse et par l’instauration d’un idéal de soin. Cette révolution psychiatrique pris en partie naissance dans certaines institutions de soin pour psychotiques dont le cadre et la politique de soin s’est littéralement transformé. Daumézon proposera le terme de « psychothérapie institutionnelle » pour caractériser cette nouvelle organisation des soins institutionnels qui suscitent une intense activité de théorisation de la part de ceux qui l’expérimentent.
C’est durant un stage effectué dans la clinique de la Chesnaie qui se réclame de cette technique de soin institutionnel pour psychotiques que j’ai été confronté à ce cadre de spécifique. D’abord dérouté puis fasciné par un fonctionnement institutionnel décalé et démocratique offrant une place réelle au stagiaire que j’étais, j’ai été frappé avec le recul parce que j’appellerais « l’utopie soignante » qui régnait dans cette institution à savoir le décalage entre les théories qui sous tendent la psychothérapie institutionnelle dans son idéal de soin et l’application effective sur le terrain de ces principes thérapeutiques confirmant le fait qu’il ne suffit pas de décréter une institution soignante pour qu’elle le soit effectivement.
J’ai pu faire l’expérience à la fois de la réelle capacité soignante mise en œuvre à la Chesnaie tout comme des dysfonctionnements institutionnels qui l’entravent. J’ai pu constater que si l’idéologie de soin propre à la psychothérapie institutionnelle prône une analyse constante du fonctionnement de l’institution afin de rendre conscient les conflits, résistances et autres blocages qui ne manquent pas de survenir, cette remise en question collective de la part des soignants semble difficile à mettre en œuvre et fut plutôt discrète dans les faits. C’est donc ce à quoi nous allons nous employer ici, à partir de situations concrètes, en nous demandant : qu’est-ce qui fait cadre ? en quoi ce cadre institutionnel est-il soignant ? En quoi cesse-t-il de l’être ? Comment le stagiaire et le soignant, en tant qu’individu, s’insère-t-il dans ce cadre, occupe et investit sa fonction soignante ?
Telles sont les questions que nous allons
explorer en partant de l’apparent paradoxe du cadre matériel et humain de la
clinique de la Chesnaie pour aboutir à la place qu’y
occupe le stagiaire et au rôle et à la fonction qui peut-être celle du
psychologue clinicien dans l’institution.
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[1] Racamier P. C., Présence de la psychanalyse dans les organismes psychiatriques. In : Le psychanalyste sans divan. Paris : Bibliothèque Scientifique Payot ; 1993 : p. 61
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