Les droits d'auteurs de ce site sont enregistrés devant notaire
Tout copillage sera systématiquement poursuivi devant les tribunaux
Vous ne devez pas diffuser ou modifier ce texte par quelque moyen que ce soit, sans la permission écrite
de son auteur ainsi que du responsable du site internet : Ressources-Psy.com.
Vous devez respecter les droits d'auteur (par exemple en cas
d'utilisation dans un travail universitaire ou autre, vous devez
donner les références de vos citations et bien signifier qu'il s'agit
de citations (généralement en utilisant des guillemets)).
Toute copie partielle ou intégrale non autorisée de document constitue une violation des droits d'auteurs
laquelle est sévèrement punie par la Loi.
Vous n'aimeriez pas que l'on pille votre travail, ne le faites pas non plus...

00036462




8

Francis BISMUTH



D.E.S.S. de psychologie clinique et pathologique

Université Paris XIII

Année 1992-1993


Mémoire



Direction:

monsieur le professeur Yves BAUMSTIMLER


L’écoute musicale.


Quelques lectures

d’ordre psychanalytique.




“Plutôt mourir que mourir.”1



La musique me mettait alors dans un état d’engourdissement très agréable, un peu singulier. Il semblait que tout s’immobilisât, sauf le battement des artères; que la vie s’en fût allée hors de mon corps, et qu’il fût bon d’être si fatigué. C’était un plaisir; c’était presque aussi une souffrance”.


Marguerite YOURCENAR, Alexis ou le Traité du Vain Combat, Paris Gallimard, 1971, p. 31.



Je me demandais si la musique n’était pas l’exemple unique de ce qu’aurait pu être - s’il n’y avait pas eu l’invention du langage, la formation des mots, l’analyse des idées - la communication des ames. Elle est comme une possibilité qui n’a pas eu de suites; l’humanité s’est engagée dans d’autres voies, celles du langage, parlé et écrit.”


Marcel PROUST, La Prisonnière, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1971, III, p. 264.



(...) définition de la syncope en musique: une note prend du retard et anticipe la suite du mouvement. Telle est en effet la dynamique de l’imago: saisie au miroir, << tenue >> sur le retard organique, elle se prolonge et anticipe la figure humaine de l’animal qui pense.”


Catherine CLEMENT, La syncope. Philosophie du ravissement, Paris, Grasset et Fasquelle, 1990, p. 189.



La musique est à la psychanalyse ce que l’amour est à la vérité: deux amantes inséparables pour l’amoureux, mais dans l’utopie de leur impossible rencontre.”


François PERRIER, “Musique déjouée?” in La Chaussée d’Antin, tome I, Paris, Union Générale d’Éditions, collection 10/18, 1978, p. 25.



A quoi la musique fait appel en nous, il est difficile de le savoir; ce qui est certain, c’est qu’elle touche une zone si profonde que la folie elle-même n’y saurait pénétrer.”


Emile-Michel CIORAN, De l’inconvénient d’être né, Paris, Folio Gallimard, collection Essais, 1973, p. 111.



Ces lignes sont pour l’oreille, et pour l’écoute.

Je dois respectivement celles-ci à Henri, et à Andrée.

Mais pour les deux, (l'ouïssif et le jouissif),

c’est chaque jour Martine qui me prête l’une, et l’autre.



table des matières (aléatoire)




prélude

1


musique!

7


Freud et le sonore

10


écoutes musicales, psychanalystes

15


objet perdu (réminiscences)

28


voix (tangentes)

33


syncopes [com(m)as, soupirs, etc...]

37


le choix du sujet

42


(puisqu’il faut)

conclure

46


bref

48


épilogue

50


annexe

52


bibliographie

56


table des matières

61





Si pianissimo soit une musique qui commence, elle oblige à sortir sans bouger du lieu où l’on se trouve, et à rentrer en soi-même où déjà l’on sait qu’on ne se trouvera plus. Une fois passé ce moment, l’on a franchi le désaccord d’avec le réel, et l’on a trouvé, avec la musique, l’accord fondamental. Dès lors entrent en jeu des équivalents de <<scanning>> inconscient, et un envahissement souverain où la musique est reine, absolument”.2





prélude


Didier-Weill commence un de ses articles3 par la phrase suivante: “De quelle magie la musique tire-t-elle ce pouvoir de nous transporter d’un état à un autre?”


Ces quelques mots sont pour nous frappants de par leur capacité à résumer une question que reprennent, chacun à leur façon, différents psychanalystes de diverses manières sensibles à la musique.

Pour Didier-Weill, dont certains auteurs ré-intitulent cet article “La Note Bleue”4, l’émotion musicale vous envahit et suscite en vous deux “états d’âme” qui “réalisent la conjugaison d’un état de bonheur et de nostalgie psychique”.

Tout de suite, un point ballant nous retient: bonheur et nostalgie psychique. Magie; transport d’un état d’âme à un autre; conjugaison bonheur/nostalgie psychique.

C’est cette magie dont nous tentons de pénétrer les silences et arcanes. Quels pourraient être les processus inconscients à l’oeuvre dans ces transport et conjugaison?


Les questions sur ce sujet se multiplient et se diversifient au fil des auteurs que nous aborderons. Toutes se veulent pourtant centrées sur une. Peut-être se trouve-t-il quelque chose de l’ordre de l’indéchiffrable dans ce rapport du plaisir(et/ou déplaisir), à l'écoute du musical?

Aborder tous les aspects de ce lien, allumer pour le lecteur et nous-mêmes tous les projecteurs qui cernent cette interrogation, demanderait un travail plus approfondi, plus ample que ce que nous pouvons ici produire et reproduire, non pas faute d’intérêt, mais de place et de temps. Disons donc que le présent mémoire tient, par ses proportions et prétentions, plus de la “canzonetta”5 que de la tétralogie wagnérienne.


Ce, au fond, vers quoi nous tendons, consiste en un éclairage du sus-dit lien, d’un point de vue psychanalytique, qui laissera évidemment impénétré un noyau d’impossible à décrire, voire peut-être à penser.

Enfin, l’évocation d’un bonheur noué à une jouissance nostalgique n’est-elle pas sans se pouvoir associer au “Post coïtum, animale tristum est”6. Est-ce pour que nous mesurions combien nos bonheurs névrotiques ne reproduisent que piètrement l’hallucination d’un objet perdu, à jamais irretrouvable? Ce plaisir d’ouïr est-il sublimatoire d’une tentative toujours renouvelée de réconciliation fusionnelle avec la parenté, ce quelque chose qui nous précède, nous aliène et nous fonde définitivement?


Nous évoquerons largement le précieux ouvrage d’Édith Lecourt7 (et ses autres travaux) pour ce qu’elle nous indique du rapport de Freud au sonore. Aussi aborderons-nous Reik (pour ce que la musique peut en nous faire resurgir d’émotions inconscientes) et l’approche de l’écoute musicale de Rosolato - il est beaucoup question de “temps” dans ces approches comme dans certaine chanson valsante de Brel8 - que Jacqueline Assabgui aborde avec celle de Didier-Weill.


Nous restons on ne peut plus redevable à Pierre Schaeffer, Claude Dorgeuille et André Michel pour leurs écrits sur la musique, les deux derniers y alliant la psychanalyse. Leur lecture nous a permis de cerner ce que, d’une approche analytique de l’écoute musicale, il nous intéressait d’exposer ici, sur le fond et la forme.

Du premier, nous ne pouvons faute de place et d’option, retenir l’approche technique (“musico-sonoro-logique”) de ce qu’il nomme “objet musical” même si, avec Mélèse, nous ne doutions de l’intérêt intrinsèque de telles élaborations. Du dernier, nous ne pouvons que louer, à l’instar de Claude Dorgeuille9, “une méritoire recension de la littérature psychanalytique sur le sujet, qui nous permet de toucher du doigt l’extraordinaire foisonnement de l’imaginaire musical”.10 Mais André Michel nous semble trop subjugué par la musique - voire par l’oeuvre de Freud - pour nous offrir quoique ce soit d’autre, dans ses ouvrages et en psychanalyste qu’il ne fut jamais, qu’un placage inopérant de la théorie psychanalytique freudienne sur la chose musicale. Sa lecture constitue pour nous une mise en garde quant aux modalités d’approche de notre objet d’investigation et à la psychanalyse dite appliquée. Bien-sûr, la bibliographie de chacun, quoique parfois datée, nous fut toujours précieuse.


Le passage en revue et l’analyse de tout ce qui s’est dit et/ou écrit sur l’écoute musicale, qui intéresserait la psychanalyse, aurait nécessité et représenté plus qu’un travail de thèse: un travail inachevable pour l’existence “bornée”, à divers sens du mot, du chercheur qui, sa vie durant, s’y consacrerait.


Notre travail, plein cependant, nous semble-t-il, de possibles options d'études à venir, reste limité et modeste. On pourrait en effet travailler - comme se pétrissent le pain et les idées - la musique avec la psychanalyse dans l’oeuvre de littérateurs: Proust et “Le temps perdu”11 , le merveilleux “Alexis” de Yourcenar12 , Thomas Mann avec “Wagner et son temps” ou "Le Docteur Faustus"13; relire dans la philosophie, l’ “Abrégé de musique”14 de Descartes, les Cioran, Hegel, Schopenhauer15, Kant et Heidegger16, Nietzsche17 . Ou encore au travers de musiciens et/ou musicologues tel Furtwängler18, Beethoven, Wagner, Xenakis, Schaeffer, Boulez, Debussy, Satie, etc. (tous ont écrit sur la musique)... Bref, relire ces écrits dans l’optique subversive que propose la psychanalyse, à son origine, tout au moins.

Mais aujourd’hui encore ne risquerions-nous pas de ne produire de cet énorme matériau que quelques discrètes notes de célesta, instrument dont Jean-Pierre Derien, en janvier 1993, sur la radio France Inter, estime que le cristallin des notes qu’il est fait pour produire, est souvent couvert par le bruissement du mécanisme? Risquer autrement dit beaucoup de (bruit) temps et de travail pour pas grand'chose? Souhaitons que nos discrets tintements vaillent mieux qu’un souffle impressionnant, parfois dénué d'un sens intelligible? Des voies restent donc ouvertes sur les touches desquelles avancer, qui, espérons-le, profiteraient à d'autres et non seulement à la passion du chercheur.



bibliographie


Jacques ADAM, “Pétards mouillés (Psychanalyse et musique: une conjugaison décevante)”, L’Ane, n°10, dossier spécial: “Le savoir musicien”, mai-juin 1983, p. 38.


Daniel ARNOLD (sous la direction de), Dictionnaire encyclopédique de la musique, Université d’Oxford, Paris, Laffond, collection Bouquins, 1988.


Jacqueline ASSABGUI, La musicothérapie, Paris, Jacques Grancher Editeur, collection Médecines Alternatives, 1990.


J. et A. CAIN, G. ROSOLATO, P. SCHAEFFER, J. ROUSSEAU-DUJARDIN, J. TRILLING, Psychanalyse et musique, Paris, Les Belles Lettres, collection Confluents psychanalytiques, 1982.


Emile-Michel CIORAN, De l’inconvénient d’être né, Paris, F: ,1973.


Catherine CLEMENT, La syncope. Philosophie du ravissement, Paris, Grasset et Fasquelle, 1990.


Raymond COURT, Le Musical, Essai sur les fondements anthropologiques de l’art, Paris, Klincksieck, 1976.


René DESCARTES, Abrégé de musique, Paris, Méridiens Klincksieck, 1990.


Alain DIDIER-WEILL, intervention dans le séminaire de Jacques LACAN intitulé (document fourni par A. Didier-Weill): L’insu que sait de l’une-bévue s’aile amourre, séminaire inédit, 21 décembre 1976.


Alain DIDIER-WEILL, , “De quatre temps subjectivants”, Ornicar, n° 8, Paris, Navarin, 1976/77, pp. 41-52.


Alain DIDIER-WEILL, “Quelle musicothérapie?”, in revue Le Monde de la Musique-Télérama, n° 38, Paris, juillet-aout 1983.


Claude DORGEUILLE, “Accomodation auditive”, L’éclat du jour, n° 8/9, Paris, Joseph Clims, novembre-décembre 1987, pp. 86-92.


Claude DORGEUILLE, “De l’objet musical dans le champ de la psychanalyse”, Scilicet, n° 6/7, 1976, pp. 329-336.

S. FREUD, “Le Moïse de Michel-Ange” in L’inquiétante étrangeté et autres essais, Paris, Gallimard, 1985, pp. 83-123.


S. FREUD, “La création littéraire et le rêve éveillé” in Essais de psychanalyse appliquée, Paris, Gallimard, 1933 (collection Idées, 1976).


S. FREUD, “Esquisse d’une psychologie scientifique” in La naissance de la psychanalyse, Paris, P.U.F., 1976 (4ème édition).


Wilhelm FURTWÄNGLER, Musique et verbe, Paris, Albin Michel/ Hachette, collection Pluriel, 1979.


V. JANKELEVITCH, La Musique et l’Ineffable, Paris, Seuil, 1983.


Edith LECOURT, Freud et le sonore. Le tic-tac du désir, Paris, L’Harmattan, 1992.


Edith LECOURT, La musicothérapie, Paris, P.U.F., collection Nodules, 1988.


Edith LECOURT, “Mélancolie et Musique”, revue Psychologie médicale, volume 24, numéro spécial 6, SPM, Paris, 1992, pp. 614-617.


Edith LECOURT, l’article à paraître dans le bulletin, dont j’ai le brouillon


Edith LECOURT, “L’objet-beauté en art-thérapie” in revue Le Journal des psychologues, Marseille, n° 103, décembre 1992 - janvier 1993, pp. 23-25.


Lucien MELESE, “j’ouïr”, Musique en jeu, n° 9, sept. 1972 (épuisé).


André MICHEL, L’école freudienne devant la musique, Editions du Scorpion, 1966.


André MICHEL, Psychanalyse du fait musical, Gentilly, édité par l’auteur, 1991.


André MICHEL, Psychanalyse de la musique, Paris, P.U.F., 1951.


François PERRIER, “Musique déjouée?” in La Chaussée d’Antin, tome I, Paris, Union Générale d’Éditions, collection 10/18, 1978, pp. 25-36.


Danièle PISTONE, Musique en pensées, Paris, Champion, 1989.


Michel POIZAT, L’opéra ou le cri de l’ange, (Essai sur la jouissance de l’amateur d’opéra), Paris, Métailié, 1986.


Théodor REIK, Ecrits sur la musique, Paris, Les Belles Lettres, 1984.


Alexis ROLAND-MANUEL, Histoire de la musique, Paris, Gallimard, La pléiade, 1961.


Pierre SCHAEFFER, Traité des objets musicaux, Paris, Seuil, 1966.


Marguerite YOURCENAR, Alexis ou le traité du vain combat, Paris, Gallimard, collection La Pléiade, 1982.

1


: Catherine CLEMENT, La syncope. Philosophie du ravissement, Paris, Grasset et Fasquelle, 1990, p. 398.

2: Catherine CLEMENT, La syncope. Philosophie du ravissement, Paris, Grasset et Fasquelle, 1990, p. 391.

3: Alain DIDIER-WEILL, , “De quatre temps subjectivants”, Ornicar, n° 8, Paris, Navarin, 1976/77, pp. 41-52.

4: Par exemple, Jacqueline ASSABGUI, La musicothérapie, Paris, Jacques Grancher Éditeur, collection Médecines Alternatives, 1990, p. 33.

5: “Composition de caractère léger et populaire, pour voix et instruments.” Dizionario Garzanti della lingua italiana, Aldo Garzanti Editore, Italia, 1968, p. 139. Traduit par nous.

6: Voici ce qu’écrit Jacqueline ROUSSEAU-DUJARDIN (psychanalyste et musicienne) p. 29 de sa préface du livre de Théodor REIK, Écrits sur la musique, Paris, Les Belles Lettres, 1984: (Un homme) me raconta qu’il avait commencé à éviter la musique parce qu’elle provoquait en lui des rêveries et éveillait des fantasmes de grandeur et de victoire, évoquant des désirs et envies vagues mais intenses. Lorsque la musique s’arrêtait, il éprouvait toujours un sentiment de déception.” L' "anormal" n'est pas là à situer du coté de la déception (acte manqué).

7: Édith LECOURT, Freud et le sonore, Paris, L’Harmattan, 1992.

8: Sa chanson “La valse à mille temps”.

9: Dorgeuille, dont nous eussions pu réfléchir à la “thèse de la jouissance auditive comme mise en jeu d’une zone érogène bien particulière” (voir en bibliographie son article “Accomodation auditive”)

10: Claude DORGEUILLE, “De l’objet musical dans le champ de la psychanalyse”, Scilicet, n° 6/7, 1976, p. 329.

11: Par exemple, Marcel PROUST, A la recherche du temps perdu, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1971, 3 tomes.

12: “La musique ne facilite pas les pensées; elle facilite seulement les rêves, et les rêves les plus vagues.” Marguerite YOURCENAR, Alexis ou le Traité du Vain Combat, Paris, Gallimard, 1971, p. 52.

13: Cité in Danièle PISTONE, Musique en pensées, Paris, Champion, 1989, p. 144.

14: “Sa fin est de plaire et d’émouvoir, en nous, des passions diverses.” René DESCARTES, Abrégé de musique, Paris, Méridiens Klincksieck, 1990, p. 47.

15: Avec, par exemple, Le monde comme volonté et comme représentation, Paris, P.U.F., 1966, livre III.

16: Voir l’intéressante, profonde et difficile analyse qu’en expose Raymond COURT dans son ouvrage Le Musical, Essai sur les fondements anthropologiques de l’art, Paris, Klincksieck, 1976.

17: “Le cas Wagner”; “Nietzsche contre Wagner”.

18: Wilhelm FURTWÄNGLER, Musique et verbe, Paris, Albin Michel/Hachette, collection Pluriel, 1979.

 

Pour avoir accès à ce document, cliquez ici



Accès à d'autres documents en psychologie

Accès au site Psychologue.fr