Université de Provence, Aix-Marseille I
UFR de Psychologie, Sciences de l'Education
Maîtrise de psychologie clinique et psychopathologie
Présenté par Christophe PONS
Jean-Jacques Rassial
Simone Davy
Pages
Remerciements 1
PREAMBULE 2
PROBLEMATIQUE 5
CONCEPTS FONDAMENTAUX 8
I- Quelques généralités sur la trisomie 21
– ou syndrome de Down 8
II- Les processus de subjectivation 15
L'émergence du sujet 15
De la jouissance au désir 18
Spécificité de l'enfant trisomique 22
II – Elaboration théorique du lien entre
pulsions sexuelles & sexualité 27
Désir et déficience mentale 32
Déficience mentale et sexualité 36
METHODOLOGIE 38
CLINIQUE DE BENJAMIN 44
Présentation 44
1ère rencontre 46
2ème rencontre 48
3ème rencontre 49
Identifications 55
La sexualité 56
La mort 58
Gabrielle 59
Retour à Benjamin 64
Du signifiant 67
Benjamin, Margarita et moi 69
Conclusion 71
ANNEXE : Les entretiens avec Benjamin 73
1ère rencontre – Benjamin ! 75
2ème rencontre – la crise. 78
3ème rencontre – Toi, t'es sourd toi ! 80
4ème rencontre – C'est la faute à Margarita 82
5ème rencontre – 83
6ème rencontre – Changer de jolie fille au pair 84
7ème rencontre – Je suis fou ? 86
Absent 88
Une semaine sans rendez-vous 88
8ème rencontre – Le Papa de Pierrot est mort ! 88
9ème rencontre – Elle m'a donné à manger 92
10ème rencontre – C'est quoi l'amour ? 92
Rapidement 94
Absence. Un incident 95
Ultimes rencontres 96
Repères bibliographiques 99
A l'heure de conclure, je tiens à remercier
Monsieur Roland Gori, mon Directeur de Mémoire, pour ses enseignements, tout au long de mes deux années de maîtrise,
pour sa présence et l'aide précieuse qu'il a su m'apporter,
l'honneur de sa présence à ma soutenance,
Isabelle Fargette, pour sa confiance,
François Provensal, pour sa constance,
Simone Davy, Régine Guigue et Lucie Coste, psychologues,
le Docteur Armand Paillet, pour leur écoute attentive et les
échanges constructifs qui m'ont permis d'avancer dans ma pratique,
Magali, Maguy et tous les autres membres de
l'équipe de l'Institut Médico-Educatif de Pertuis,
Mes parents, pour leur soutien, leurs conseils et leurs encouragements,
Cécile, qui tout ce temps, est restée à mes cotés.
Enfin, un grand merci aux enfants,
sans qui ce travail n'aurait jamais existé.
Tous ceux qui parmi nous se sont occupés d'enfants psychotiques savent jusqu'à quel point nous devons être fous pour partager ce monde. Si nous voulons pratiquer une thérapie, force nous est de le partager, et cela pendant de longues périodes1.
D.W. WINNICOTT
J'ai choisi cette année d'effectuer mon stage de maîtrise de psychologie clinique dans un Institut Médico-Educatif à Pertuis. Cette institution accueille des enfants de six à dix-huit ans, tous atteints de troubles divers nécessitant une prise en charge spécifique.
C'est dans cet univers de déficience mentale, de troubles psychotiques et de souffrance psychique que je venais les lundis, mardis et jeudis de chaque semaine.
Pendant plusieurs mois, je quittais l'IME épuisé d'être resté une longue journée en présence de nombreux enfants trop bruyants. Je m'écroulais de fatigue.
Je tentais sans plus y croire de terminer mon premier mémoire, à propos d'un patient tout simplement obèse.
Parfois, le soir, en analyse ou lors de rencontres à la faculté, j'essayais de raconter mes journées. Les seuls mots qui venaient traduisaient mon incompréhension.
Un après-midi, la remarque cinglante d'un adolescent trisomique, Benjamin, m'a laissé sans voix.
Il me disait : "Toi, tais-toi – T'es sourd, toi." Il avait raison : je venais de lui interdire de parler du seul sujet de conversation qui semblait lui tenir vraiment à cœur : Margarita, sa jeune fille au pair, dont il se disait amoureux.
Se sont succédés deux mois particulièrement pénibles. Je continuais de recevoir deux ou trois enfants – dont Benjamin – en entretien. Mais il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. J'étais incapable de la moindre distance, incapable de la moindre relance pertinente. Je commençais à perdre le sens de l'orientation temporelle. Je ne savais plus quel jour on était. J'ai même réussi à dater un entretien du 12 décembre 1998. C'est-à-dire de l'année de mon entrée en DEUG de psychologie. Il se trouve aussi qu'il s'agit de l'époque de mon entrée en analyse.
J'avais l'impression de ne plus rien maîtriser du tout. J'oubliais les prénoms des enfants. Je confondais ceux des éducateurs… Je rêvais que deux des enfants me poursuivaient dans les couloirs d'une clinique pour me dévorer la cervelle. Même si je traîne des trous de mémoire depuis juin de l'année dernière – date à partir de laquelle j'ai été confronté à la rédaction de ce présent travail – ils devenaient lacunes. Pour rester bref, ça n'allait pas fort !
Puis vinrent les vacances de Février. Vacances pénibles au cours desquelles je me sentais obligé de travailler. Travailler c'est lire. Je savais que je passais à côté de quelque chose, avec ces enfants. Mais je ne voyais pas quoi. Peu à peu, les livres traitant de l'obésité ont fait place à ceux pouvant m'éclairer sur ces enfants que je rencontrais.
La reprise du séminaire de M. Gori permit de reprendre contact avec la Faculté. De renouer des liens. D'exposer ailleurs une partie de mes difficultés. Je retrouvais une articulation théorico-clinique. Je commençais à mieux repérer ce que je n'arrivais pas à construire dans mes entretiens.
Et puis il y eu un reportage de quelques minutes sur une chaîne de télévision. Un homme, jusque-là muré dans le silence, refusant de parler d'un acte commis quelques années plus tôt, se mettait tout soudain à se raconter, à casser ce mur de silence. Cela a duré quelques secondes, mais j'entendais.
Et c'est là que j'ai compris. Les enfants que je recevais ne pouvaient pas parler. Ils se présentent face au désir de l'Autre, comme un objet qui a perdu toute identité. C'est une question de vie ou de mort. Depuis toujours, tout est fait pour que le Moi – déficient – ne souffre pas trop. La contrepartie est de ne pas laisser trop le Je s'exprimer. Le Sujet finit par s'oublier.
Chut… Ne réveillez pas un Sujet qui dort…
A plonger dans la littérature, j'ai été saisi par le peu de textes renvoyant à une psychopathologie spécifique du sujet déficient mental. Dans la plupart des écrits, la pensée analytique est supplantée par la démarche cognitivo-comportementaliste et développementaliste, comme si les notions d'inconscient, de transfert ou de castration ne pouvaient rendre compte de la psychopathologie déficitaire et de sa clinique. La complexité des concepts analytiques paraît ainsi se dissoudre dans le manque de noblesse de la clinique du débile. Le champ de l'éducatif, du rééducatif, a tendance à chasser celui du thérapeutique.
Cet absence d'intérêt de la littérature analytique pour le concept de déficience mentale semble indiquer que ce concept n'a pas de place propre dans la théorie analytique. Il ne saurait constituer une catégorie nosographique particulière. Il s'agit alors de penser la psychopathologie du sujet déficient mental en termes de structures traditionnelles, sans se laisser subjuguer par le symptôme : on doit parler, comme ailleurs, de névrose, psychose ou perversion.
Pourtant, les quelques auteurs, telle Maud Mannoni2, qui tentent de rendre compte d'une clinique du sujet déficient s'attachent à analyser la relation mère~enfant-déficient/analyste, mais ne se centrent pas sur la seule relation clinique entre l'analyste et l'enfant, alors que les témoignages de pratique d'entretiens auprès d'enfants seuls foisonnent – Mélanie Klein, Donald Winnicott – quand il s'agit d'enfants non déficients.
Dans les récits cliniques que j'ai pu trouver dans la littérature, le cadre de la rencontre avec le sujet déficient témoigne d'une différence : il y est toujours fait place largement aux dires des représentants autorisés, en la personne de ses parents, comme si le manque de capacité de l'enfant déficient à élaborer obligeait à recourir à un autre qui vient parler pour l'enfant.
Après tout, "ce qui caractérise la psychanalyse en tant que science, c'est moins la matière sur laquelle elle travaille que la technique dont elle se sert. […] Son seul but et sa seule contribution consiste à découvrir l'inconscient dans la vie psychique.3"
La mise en place de ce cadre différent amène à se poser une première question : existe-t-il une clinique spécifique du sujet déficient, motivée par ses faibles capacités d'élaboration ?
D'autre part, cette relation mère~enfant qui focalise l'attention de Maud Mannoni découle d'une demande de l'enfant à laquelle la mère répond avec ses propres fantasmes que la déficience de l'enfant nourrit. Au point que se constitue "un monde fantasmatique qui finit par leur être commun à tous deux.4"
Mais à toujours situer la relation mère~enfant-déficient du coté du fusionnel, du déficitaire de quelque chose de la Loi-du-Père, du tiers, on finit par rapprocher déficience mentale et psychose, au point de réduire l'une à l'autre, et à n'accorder d'intérêt à la déficience mentale qu'à la condition d'y introduire un brin de folie.
La prégnance de la relation fusionnelle, au lieu de nous mener à réduire la déficience mentale à la psychose, n'est-elle pas plutôt le signe d'un processus de subjectivation spécifique au déficient mental, dans lequel cette relation symbiotique tiendrait une place centrale ? Il nous appartiendrait alors de rechercher quel concept théorique rend compte au mieux de cette spécificité du sujet déficient.
Enfin, précisons que le sujet de ma recherche concerne un enfant trisomique. A la déficience mentale s'ajoute, en premier lieu, un corps marqué par l'anomalie chromosomique. Cette différence porte-t-elle à conséquence ?
1 WINNICOTT D.W., (1969), De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot, p.107.
2 MANNONI M., (1964), L'enfant arriéré et sa mère. Paris, Édition du Seuil, 1981.
3 FREUD S., (1916-1917), Introduction à la psychanalyse, Paris, Édition Payot, 1998. p.366.
4 MANNONI M., (1964), p.19.
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