COUCHOT Jean-Luc Novembre 2002

Diplôme d'Etudes Supérieures Universitaires

de thérapies familiales et pratiques systémiques.

TITRE :

Réflexion sur un opérateur clinique : l'affiliation. Ou comment passer de la filiation à l'affiliation, de la relation au père à la relation aux pairs.

M. ANGEL

Je remercie Monsieur le professeur Angel de l'assistance qu'il m'a apporté dans son cours de supervision de stage et de direction de mémoire. Son attention et ses conseils m'ont été précieux pour mener à bien l'élaboration de ce mémoire.

Je remercie Monsieur le Docteur Laviolle et ses collègues, du C.M.P. de Maisons Laffitte, de m'avoir accueilli généreusement dans leur équipe et de la confiance qu'ils m'ont témoignée en m'y incorporant comme cothérapeute.

Je remercie le Docteur Orêve et Mme Morel, du C.M.P. de Houilles, de m'avoir accueilli généreusement dans leur équipe de thérapie familiale, de m'avoir associé à leur travail et à leurs réflexions.

Je remercie les familles de leur confiance.

Introduction.

Où rencontre t-on l'affiliation.

Définition du concept d'affiliation.

Concepts approchants.

L'appartenance.

L'empathie.

La résonance.

La synchronisation.

L'affiliation en thérapie systémique structurale.

L'accommodation.

Le tracking.

Le mimétisme.

Où l'on rencontre l'affiliation dans les autres champs théoriques.

L'affiliation dans la clinique.

Vignette clinique.

L'affiliation en tant que technique de changement.

L'affiliation et la religion, le groupe des pairs, la profession.

L'affiliation au groupe de thérapeutes et à leurs théories.

Conclusion.

Résumé : À partir du concept d'affiliation introduit par Minuchin dans la thérapie systémique structurale, l'auteur fait une revue non exhaustive de la littérature clinique pour tenter de définir le caractère opératoire de ce processus. Il tente de le formaliser à partir du concept de filiation, de définir les champs dans lesquels l'affiliation est efficiente et il décrit quelques techniques cliniques qui pourraient permettre aux thérapeutes d'utiliser ce concept dans le processus thérapeutique qu'ils utilisent avec leurs patients.

Mots clés : Accommodation, Affiliation, Appartenance, Filiation, Joining, Mimétisme, Minuchin, Processus thérapeutiques, Thérapie familiale structurale, Tracking.

Introduction.

La psychothérapie est une situation de rencontre entre un individu investi d'un pouvoir – le thérapeute – et une ou plusieurs personnes – le ou les patients - venant, dans l'idéal, volontairement solliciter le tenant de ce pouvoir pour modifier une situation vécue comme une souffrance. Ce contexte de rencontre permet parfois au thérapeute "d'influencer" (Nathan T., 1994) son ou ses vis-à-vis à l'aide de l'outil de la communication – digitale ou analogique – mais dans tous les cas il lui est nécessaire, pour être entendu voire écouté, de parler la même langue que ses alter ego. Ce que Guglielmo (1999) dit à propos du message – "…il est indispensable pour le transmettre de se mettre à la place de l'autre, de s'adapter à sa culture et à son langage, d'apprendre à se détacher ne serait-ce qu'un instant de son propre point de vue afin de s'assimiler celui de l'interlocuteur" – est souligné de différentes façons par les thérapeutes chevronnés. Nous pouvons retrouver cette assertion, sous une forme plus ou moins proche dans son expression, dans plusieurs concepts dont celui d'affiliation. Celle-ci représente, pour l'approche structurale de la thérapie systémique familiale, le point nodal à dépasser pour pouvoir débuter et s'offrir, en tant que thérapeute, une chance de réussir dans de bonnes conditions une psychothérapie avec un patient ou une famille.

Toutefois, nous ne pouvons aller plus loin dans l'exploration du concept d'affiliation sans définir, a minima, les notions d'organisation et de structure qui, par leur existence même, soutiennent la dynamique sous jacente d'un processus qui relie les choses et les êtres entre eux. Ce sont là des postulats de base qui nous permettent de penser la société, la famille ou les sujets dans leur intimité psychique. Dans le cadre de la thérapie systémique, l'organisation est définie comme un ensemble de relations qui délimitent la famille et lui confère son unité, tandis que la structure lui rajoute une temporalisation des relations dans un contexte spécifié comme actuel. Pour préciser le lien qui relie ces deux notions, nous pouvons dire que l'organisation implique l'existence de classes reliées par des relations sous forme de réseau et que l'ensemble forme une unité appelée structure.

Au sein de la thérapie familiale, l'organisation renvoie au concept de mythe familial – croyances partagées par tous les membres d'une famille – qui détermine des rôles, des règles, des croyances, des habitudes, etc. L'ensemble ainsi formé organise une défense de groupe qui régule la nouveauté et l'homéostasie. Le groupe conserve ainsi son sens à la relation. Il participe, dans la logique d'appartenance, à la définition des limites intérieur/extérieur. A ce titre il est à la fois contenant et contenu.

Nous pensons que ce concept est un complément important de la pratique clinique et qu'il a une grande utilité comme processus thérapeutique. Aussi, fort de ces précisions, nous allons maintenant tenter de définir, de montrer l'omniprésence et l'aspect incontournable du concept d'affiliation dans la psychothérapie.

Définition du concept d'affiliation.

Lorsque nous cherchons le sens étymologique d'affiliation dans un dictionnaire, nous sommes renvoyés au verbe "affilier", qui a deux emplois (Hachette, 1996). Le premier est en rapport avec le terme d'organisations et avec le fait de se regrouper sous une forme plus vaste et le second renvoie à l'action d'adhérer à une organisation. Cette dernière est, quant à elle, définie à la fois comme un état - manière dont un corps est organisé, structure – ou comme une action – association, groupement. Le verbe organiser spécifie que les éléments d'un ensemble sont mis en place en vue de remplir une fonction, un usage déterminé.

Le verbe affilier dérive d'un terme de latin juridique - affiliare - employé au XIVème siècle qui avait comme sens "Prendre pour fils, pour adepte, adopter" (Goelzer H., 1966).

Nous pouvons donc exprimer le sens de l'affiliation comme étant une action ayant pour but d'atteindre un état d'adhésion, d'appartenance à un ensemble plus vaste. Cette agrégation visant à réaliser une structure possédant un caractère téléologique, donc impliquant une causalité linéaire. Nous pouvons rajouter qu'à l'origine de ce terme était contenue l'idée de filiation c'est-à-dire de transmission transgénérationnelle de biens, probablement matériels, puisque dérivant d'une terminologie juridique.

Ce terme est employé en psychologie dans plusieurs paradigmes différents. Nous l'avons trouvé employé en psychologie clinique, dans la thérapie systémique et en ethnopsychiatrie, en psychologie sociale et en psychologie génétique.

Nous pourrions définir l'affiliation comme un mode d'appartenance à un groupe à visée sociale spécifique. Cette appartenance définirait une identité sociale qui viendrait relayer ou se substituer à l'identité familiale en s'appuyant sur certaines structures communes. En d'autres termes, l'affiliation introduit un individu dans une culture, culture dont la définition pourrait être : "Tout ce qu'il faut savoir pour être membre", c'est à dire pour être prévisible par les autres membres (Winkin Y., 1996). Pour remplir son rôle social, le thérapeute passe par une formation qui l'affilie à un paradigme. Celui-ci vient structurer ses perceptions de la réalité et lui donne un cadre qui joue le rôle de contenant. C'est dans ce contenant que les structures interactionnelles des familles, reçues par le thérapeute, viendront trouver leur sens.

La démarche thérapeutique affiliative viendrait donc s'inscrire dans une chaîne logique dont nous pourrions définir les aspects synchronique ou diachronique comme une succession d'affiliations. La première affiliation s'incarnerait par défaut dans l'obligation pour un individu d'appartenir à un premier groupe qui est celui de sa famille. Les autres affiliations seraient rythmées par les événements de vie auxquels chaque individu est exposé au cours du temps. Il en est certaines qui sont particulières telle celle qui introduit le sujet dans la pratique thérapeutique dont nous parlerons dans la dernière partie de ce travail.

Concepts approchants.

L'appartenance.

Appartenance, dérivé d'appartenir, du latin "adpertinere" signifiant "dépendre de", et de "pertinere" qui signifie "se rattacher à". L'appartenance est définie comme la relation d'un individu à un ensemble (club, secte, association, parti, bande, famille, etc). qui le contient et auquel il appartient (Miermont J., 1987). L'appartenance est concomitante à la notion d'affiliation en ce sens que lorsqu'on s'affilie à un groupe on devient par définition "fils d'" un élément fédérateur de ce groupe. Par exemple, l'appartenance à un clan est de nature affiliative à travers le lien à l'ancêtre commun représenté par le totem, tandis que l'appartenance à la famille est, en général, de nature filiative à travers la transmission du nom (du père) qu'elle implique. Au delà du lien étymologique qui rapproche filiation et affiliation, nous verrons, plus loin, que les deux termes sont articulés dans la dynamique de structuration sociale des êtres.

L'appartenance implique le rite, qui organise et commémore le lien entre les individus et leur ancêtre et plus particulièrement le rite familial, en ce qui nous concerne. Andolfi (1987) souligne que : "Les rites familiaux sont influencés par les conventions et les valeurs du milieu culturel et coïncident en partie avec les rites sociaux. En outre, ils supportent une série de croyances propres à la famille, la plupart du temps implicites, qui sont communiqués à travers les modalités de l'accompagnement du rituel". Le rite n'étant pas notre sujet de réflexion, nous n'en dirons pas plus, mais nous soulignerons, malgré tout, comment l'appartenance et l'affiliation sont, explicitement ou implicitement, liées.

Un exemple d'affiliation à un groupe de pairs, du latin "par" signifiant égal, nous a été présenté par M Payen de la Garanderie (communication sur le "Joining" du 25/09/2002). Le problème de la famille présentée résidant dans l'appartenance de leur fille à une "bande". Leur fille s'est affiliée à un groupe de jeunes gens de son âge à travers l'action "initiatique" de fumer un "joint" (signifiant on ne peut plus surdéterminé dans l'acte d'affiliation). Par ce geste, elle a épousé à la fois un mode de pensée – "Ils parlaient de leurs problèmes alors je me suis mis à penser aux miens" - et une tentative, très précoce, de devenir adulte à l'âge de onze ans – "Je les ai choisis parce que les autres c'est des bébés dans leur tête". Ce mouvement de recherche d'une nouvelle appartenance s'est fait au détriment de l'appartenance à la famille – objet de la problématique présentée par la famille – lorsque celle-ci a déménagé. Cet événement a, en effet, scindé cette famille recomposée en deux groupes constitués d'une part des deux demi-sœurs et d'autre part de la triade père-mère-fille. La rupture avec les précédents groupes d'appartenance (familial, scolaire, amical, etc). a autorisé la jeune fille à opérer une coupure naturelle à l'adolescence, mais prématurée dans ce cas, avec son père et sa mère. En partant de cette nouvelle appartenance, nous aurions pu explorer la raison de cette prématurité et la difficulté éprouvée par les parents à élaborer cet événement de vie.

Précisons qu'un autre concept proche de l'appartenance est appelé "Inclusion". Il s'en différencie par le fait qu'il est imposé au sujet et vise à l'assimiler à une catégorie. Ces deux modes de rapport de l'individu au groupe sont mis en oeuvre par la famille pour se relier à ses membres.

L'empathie.

"L'empathie" est définie comme la conduite d'un sujet qui lui permet une connaissance d'autrui (Piéron H., 1951). Ce terme, souvent employé dans le cadre des thérapies d'inspiration psychanalytique, met l'accent sur la sphère affective comme moyen pour un thérapeute d'amorcer le couple interactionnel transfert/contre-transfert qui est considéré comme le moyen privilégié de créer la relation thérapeutique. Ce concept est plutôt utilisé dans la clinique construite autour d'une dyade thérapeute/patient.

La résonance.

La "Résonance" révèle un élément commun aux deux systèmes (famille et thérapeute). Elle recouvre, en quelque sorte, un champ d'affiliation restreint, spontané et involontaire, commun aux deux partis. Il nécessite d'être analysé par le thérapeute, afin de lui éviter de s'enliser dans une problématique qui lui appartient plus qu'elle n'appartient à la famille. Là où l'affiliation volontaire du thérapeute permet le maintien d'une distance propre à engendrer un métasystème, la résonance, immaîtrisée, risque de provoquer un collage thérapeute/famille produisant "Plus de la même chose". C'est, en d'autres termes, la "chausse-trappe" de l'affiliation (Elkaïm M., 1995).

La synchronisation.

Le concept de "Synchronisation" nous a été présenté par M Balta dans le cadre du paradigme de la P.N.L. (Programmation Neuro-Linguistique). Comme pour l'affiliation, il consiste en "l'établissement et au maintien d'une relation de qualité" avec le ou les patients (Balta, 2002). Pour atteindre cet objectif, il est recommandé de se synchroniser avec son vis-à-vis sur le plan verbal à l'aide de la technique rogérienne de reformulation et par l'emploi des termes, du style, des valeurs usitées par le client ou encore en utilisant des prédicats s'adressant à son canal de communication préférentiel (visuel, auditif, kinesthésique, etc). La synchronisation non verbale est aussi encouragée. Les techniques décrites consistent à reproduire les comportements et les attitudes de la personne, soit directement soit par un déplacement sur une autre modalité comportementale dans le but d'entrer dans sa représentation du monde.

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